Projet de loi asile et immigration

PETITE ANALYSE DU PROJET DE LOI ASILE ET IMMIGRATION

La présentation de ce projet de loi devant le parlement était prévue mi-mars
début avril. Finalement, il sera présenté à la commission des lois les 3 et 4 avril.
Mais il sera vraisemblablement difficile d’arriver à un texte définitif avant fin juin, aux dires des experts et députés. De fortes mobilisations des associations qui s’occupent des migrants ou des exilés, Des grèves importantes à l’OFPRA, les prises de position du défenseur des droits, Jacques Toubon, de l’opposition de certains députés et des fortes réticences au sein même de la majorité présidentielle devrait faire prendre du temps avant le vote du texte définitif.
Ce projet de loi instaure des mesures renforcées de restriction, de contrôles et de tris, à des fins d’entrée ou d’expulsion ou de bannissement du territoire.

Asile : réduire les délais au détriment des lois

Ce texte considère de prime abord que les personnes qui font une demande d’asile
sont pleinement informées. Il n’en est rien. Après avoir traverser de nombreux
pays, parfois en guerre, lorsqu’ils arrivent ici ils doivent dans les plus brefs délais affronter les tracas administratifs. Mais c’est plutôt d’un toit, de temps et de confiance pour pouvoir au mieux expliquer leur situation après un parcours d’exil très souvent épuisant. Ils ont aussi besoin d’accompagnement.
Elles ont 90 jours pour déposer une demande d’asile, au-delà de cette durée elles verront leur situation examinée en procédure accélérée. Alors, quand on sait déjà comment ça se passe…, sans droit à l’hébergement ni à la moindre allocation.
En cas de rejet par l’OFPRA, les demandeurs n’ont plus que 15 jours pour écrire
en français à la CNDA. Et là, dans de nombreux cas l’audience se fera en visioconférence.
Très facile de parler de persécutions devant un écran…
Ce sont les personnes les plus fragiles, les moins entourées, les plus hésitantes qui seront exclues du territoire français. Ce sont celles qui ont le plus besoin de protection.

L’accueil sous surveillance

Le projet de loi prévoit de répartir les demandeurs dans les régions françaises en conditionnant le droit à l’ADA à la résidence dans cette région, sans pour autant se voir garantir un hébergement. Il cantonne…
Surtout, ce projet grave dans la loi la circulaire de décembre 2017 qui demande
au Samu social d’adresser à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) la liste des personnes hébergées, qui sont réfugiées ou dans l’attente de leur demande d’asile. Les travailleurs sociaux devraient contrôler et dresser des listes qui pourraient servir à des expulsions. Où se trouve la déontologie ? Ça nous rappelle quand même de tristes moments de l’histoire contemporaine.

Augmenter la durée de rétention

Le projet de loi prévoit le passage de la rétention de 45 à 90 jours, voire même
135 jours. En 20016, seules 1000 personnes ont été libérées au bout de ces 45
jours avec une OQTF. Mais seulement 170 laissez-passer consulaires ont été
délivrées.
Nul besoin d’enfermer plus longtemps. Il est inconcevable dans notre pays de
banaliser la privation de liberté sous prétexte de faux arguments d’efficacité. En réalité, la quasi-totalité des expulsions opérées se font dans les 10 premiers jours de rétention, inutile donc de prolonger cette rétention.

Rétention : expulser sans attendre la décision du juge

Le projet de loi prévoit de passer de 2 à 5 jours le délai de passage devant le JLD qui contrôle la procédure de rétention, comme dans la loi Besson de 2011. En
2012, 60% des expulsions sont effectuées sans passage devant le JLD. En
repoussant le délai de jugement, les expulsions sans contrôle, sans procédure, et sans droit à un procès équitable reprendront de plus belle.

Multiplier les mesures de contrôle

L’assignation à résidence existe aujourd’hui et est présentée comme une mesure
alternative à la rétention. Le projet de loi prévoit sa généralisation et son
durcissement. Tous ceux qui se voient refuser un titre de séjour ou d’asile
pourraient être assignés à résidence. Aucun dispositif n’est prévu pour l’accès aux droits et à l’information. L’administration pourrait désormais obliger les personnes à rester à leur domicile pendant trois heures par jour.
A l’abri du regard de la société civile, l’expulsion peut avoir lieu à tout moment, lors du pointage quotidien ou à domicile.

Bannir et précariser

Les mesures d’interdiction de retour sur le territoire, créées en 2011, sont
systématisées dans le projet de loi à toutes les personnes sous le coup d’une
OQTF, à partir du moment où elles se sont maintenues en France. Comment
imaginer une personne étrangère se présenter à la préfecture pour y déposer une
demande de titre de séjour, en sachant qu’en cas de refus, elle se verra
systématiquement bannie, sans espoir de recours ? Elle est donc condamnée à
vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête dans la précarité.

La solidarité doit être encouragée, pas criminalisée

Depuis 2014, les poursuites et condamnations contre les citoyennes et citoyens
solidaires avec les personnes étrangères se sont multipliées en France, y révélant la persistance du délit de solidarité.
Alors qu’il est prévu pour pénaliser les personnes et les organisations qui font du passage illégal des frontières un business hautement lucratif, l’article L622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ceseda) sert toujours à poursuivre voire à condamner celles et ceux qui, par solidarité, refusent de laisser sur le bord de la route des personnes démunies sans tirer aucun profit (pécunier…) de leurs actions.
En 2012, la loi « Valls » promettait la fin de ce délit de solidarité avec l’extension des critères d’immunité. Dans les faits, les poursuites et les condamnations de citoyens se sont multipliées, dans le Calaisis, à Paris, dans la vallée de la Roya, à Briançon et ailleurs. De nombreux procès sont actuellement en cours ; voir la liste des poursuites en cours et des condamnations sur le site du GISTI à militants solidaires.
Rien de nouveau n’est prévu dans le projet de loi.

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